avril 24, 2024

Des nouvelles du “front” du mardi

Chère Maman, cher Papa,

 

Ce n’est qu’aujourd’hui que je prends la plume (ou plutôt le clavier) pour vous donner des informations j’espère non censurées depuis la première ligne (la ligne de front, pas la première ligne de cette lettre).

Avant-hier, c’était déjà le quatrième mardi des opérations spéciales et il semble bien qu’on n’en est qu’à la moitié du chemin, au mieux.

Là, je suis à l’arrière, confiné jusqu’à la prochaine intervention.

 

Les deux premières semaines furent assez frustrantes : beaucoup d’associations ont fermé, et non des moindres : Montagnac, Babel Panier, entre autres. Il a fallu que que l’état-major se démène pour limiter les pertes : Emmaus, Perséphone, Secours populaire, Saint-Vincent Restaurant sont venus nous aider à diminuer le gaspillage. Et finalement, au moins au frais, il n’y a pas tant de produits non distribués qu’on aurait pu le craindre.

 

Mais d’autres assos sont venues se greffer temporairement. Il y a trois semaines, nous devions préparer pour moins de sept cents bénéficiaires. La semaine dernière, c’était mille deux cents et il y a deux jours, mille huit cents bénéficiaires et vingt-trois associations, lendemain de lundi de Pâques oblige. Vous imaginerez que les combats furent rudes, mais notre férocité à fait reculer les spectres de la privation.

 

On a récupéré, comme je vous le disais, plusieurs associations inhabituelles et pour certaines, inconnues de moi : NIYA (La Paillade si j’ai bien compris, 150 bénéficiaires), Animaux et Humains, et quelques autres. Une que l’on ne soupçonnait pas, c’est le Crous, qui vient si j’ai bien compris tous les jours pour 400 étudiants confinés, les restaurants universitaires étant fermés.

 

Sinon, tous les mardis matins, il faut récupérer son paquetage sous la forme d’un masque. Je n’ai pas le droit de critiquer, mais bon, le masque avec les lunettes, ça fait de la buée : j’ai du me cogner 227 fois dans des trucs. Tout le monde porte un masque. C’est très joli. Avec un peu de dentelle, on se croirait au Carnaval de Venise.

 

Sinon, les effectifs sont réduits, comme vous devez le savoir. Les deux premiers mardis, on a eu l’aide de quatre bénévoles occasionnels (par France Bénévolat, je suppose, ou une autre plateforme) qui bossaient comme huit. Bon, trois d’entre eux ont eu la bonne idée, d’après ce que j’ai compris, d’aller faire une visite en Ehpad. Sanction immédiate : on leur a demandé de ne pas revenir à la BA pour le moment. Ils ont heureusement échappé au conseil de guerre.

 

On fonctionne à trois au frais : la colonelle Patricia qui a l’air de venir tous les jours (espérons qu’elle va tenir, elle s’occupe aussi des dons et de certains partenaires), Emilia et votre fils chéri (moi, bien sûr). Aux légumes : Monique, Patrick, Christine (bénévole occasionnelle), Jacques et Catherine. J’espère que je n’oublie personne. Pour la viennoiserie, c’est Jacques. qui s’en occupe en fin de matinée, mais il y a peu de quantité.

 

On s’en sort bien.

Le général Régis fait régulièrement une tournée d’inspection. On a aussi la visite de la colonelle Dominique.

Voilà comment la vie se passe, des montées au front intenses et de longues périodes de repli. Il faut bien ça.

 

J’espère que vous êtes en bonne santé et que, dès que le conflit (jamais le conflit ne ment, ah, ah, ah. Désolé) sera terminé, vous viendrez nous rejoindre. On a toujours autant besoin de vous.

 

Voilà, chère maman et cher papa, je vais devoir vous laisser. C’est l’heure de la cantine et le couvre-feu sera bientôt de rigueur.

Votre fils.

 

PS : Vous comprendrez que, étant donnée la situation, je n’ai pas fait figurer les noms de famille. L’ennemi est partout.

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